Virginie Efira, comédienne ou rien
L’ex-présentatrice de la «Nouvelle Star» a depuis toujours voulu devenir comédienne. La Belge joue dans «Victoria», de Justine Triet, qui fera l’ouverture de la semaine de la critique à Cannes
«J’ai envie de cinéma d’auteur alors que je viens des hit-parades. Mais on ne passe pas de la Roue de la Fortune à Ibsen.»
Dès le départ, elle voulait être comédienne. Mais elle ne se trouvait pas douée. Elle avait donc choisi «le petit écran, plus rassurant». A 38 ans, Virginie Efira met les bouchées doubles pour rectifier sa trajectoire. En 2006, elle était la présentatrice blonde et pulpeuse de la Nouvelle Star, en 2016 elle forme un tandem avec Jean Dujardin dans la comédie Un homme à la hauteur et incarne Rebecca dans le thriller Elle de Paul Verhoeven, aux côtés d’Isabelle Huppert. «Il ne faut pas rester dans les starting-blocks de sa propre existence», explique Virginie Efira en plantant ses yeux noirs pétillants dans vos yeux.
La comédienne belge rayonne, et incarne une certaine classe. Pantalons beige, chemisier vaporeux, bijoux en or, cheveux blonds bouclés. Fumant à la fenêtre d’une chambre d’hôtel genevois, elle dit son admiration pour Lionel Baier et Ursula Meier, et évoque ses vacances d’enfance à la Sage en Valais avec ses parents et son frère Yorick.
Préjugés
Aujourd’hui, elle vient défendre Un homme à la hauteur. Dans le film de Laurent Tirard, elle joue le rôle de Diane, une femme sexy et constamment perchée sur des talons aiguilles, qui tombe amoureuse d’un gars mesurant 1m36. «Je trouvais amusante l’idée de cette fille qui fantasme sur le type qui l’appelle car il vient de trouver son téléphone portable. Et ce thème du sentiment d’avoir honte de la personne que l’on aime, de la différence qui peut à la fois être drôle et profonde, et le parti pris que cet homme soit incarné par quelqu’un de connu. Avec l’éclat de Dujardin, je trouvais ça chouette.»
Les barrières psychologiques, les préjugés, parlons-en. Lorsqu’on évoque ce sujet, l’ancienne étudiante en psycho s’anime. Elle qui a trimballé la pénible étiquette de «jolie animatrice blonde égale nunuche», elle en connaît un rayon. «Les préjugés sont tellement présents dans notre société que ça pénètre dans vos pores. On peut parler du handicap, mais aussi du côté non-conforme. J’adore les gens qui sortent des sentiers autorisés où c’est joli et validé par tous. Personnellement, je crois que je peux me retrouver dans une place comme dans l’autre. Quand on a un fort problème de confiance et que l’on se retrouve dans des situations où l’on n’est pas totalement accepté. A des niveaux différents bien sûr, même s’il faut de l’humilité quand on parle de différence. Mais il m’est arrivé, parce que je me donnais peu de crédit, de me mettre dans des rapports où on m’en offrait peu aussi.»
Elle, qui pensait qu’on ne la prendrait jamais au sérieux, a réalisé que tout changerait au moment où elle s’accepterait comme une actrice à part entière. «C’est normal qu’il y ait des étiquettes, mais il ne faut pas chercher à les décoller. Elles s’en vont toutes seules. Il n’y a pas de bon ou de mauvais parcours. Et, c’est peut-être un peu étrange de faire ce parallèle, mais c’est comme dans Un homme à la hauteur. Lorsque le personnage assume ce qu’il est, les autres l’acceptent aussi. La victimisation ne sert pas à grand-chose.»
Avec la naissance de sa fille Ali, en mai 2013, Virginie Efira intègre la dimension de transmission, «la nécessité à y aller». Et s’est débarrassée de certaines peurs et complexes. Simultanément: coup d’accélérateur dans sa carrière avec cinq longs-métrages qui sortent la même année. Elle joue avec Depardieu et Edouard Baer, avant de montrer ses talents d’actrices aux côtés de Poelvoorde et François Morel dans Une famille à louer. Elle qui rêvait secrètement de cinéma depuis l’adolescence en découvrant Mary Poppins et en admirant Marilyn Monroe, elle qui est montée pour la première fois sur les planches d’un théâtre à 26 ans. La voilà enfin considérée comme autre chose que «l’archétype de la girl next door».
Toujours consciente de la difficulté à se faire une place – «J’ai envie de cinéma d’auteur alors que je viens des hit-parades. Mais on ne passe pas de la Roue de la Fortune à Ibsen!» –, elle avance de manière instinctive. Et a tendance à suivre un réalisateur passionné plutôt que de focaliser sur un rôle particulier.
Lorsqu’on lui demande de quel rôle elle s’est sentie le plus proche à ce jour, pas l’ombre d’une hésitation. Dans Victoria, de Justine Triet, qui fera l’ouverture de la semaine de la critique à Cannes et sortira en septembre, elle s’est retrouvée en symbiose avec le personnage. Pourquoi? «C’est sur le fond et la forme. Ce que raconte ce film est extrêmement contemporain. Il aborde la solitude, la technologie, la société, la femme, l’amour, la sexualité, le travail… Et la réalisatrice, qui a mon âge, conçoit le cinéma de manière pas du tout conformiste. Il y a une inventivité qui vous pousse à effacer les frontières entre vous et le personnage. C’est très étrange.»
Etonnamment, alors qu’elle admet rêver de cinéma d’auteur, elle se verrait aussi parfaitement dans un film décalé comme La Cité de la peur, le long-métrage culte des Nuls. Sa manière de rebondir sur ce qu’on lui dit avec une pointe de second degré trahit l’amour de l’humour pince-sans-rire. L’autodérision fait d’ailleurs partie intégrante de sa personnalité.
«Richesses multiples»
Si elle devait vraiment jouer ce que l’on appelle un rôle à contre-emploi, Virginie Efira imagine qu’elle serait un personnage profondément dépressif et suicidaire. Avant d’ajouter: «En fait, je ne crois pas du tout au contre-emploi. On a tous des richesses multiples. Quand on dit que Benoît Poelvoorde joue à contre-emploi car il tient un rôle sombre, ce n’est pas du tout du contre-emploi! Il a cette facette-là dans sa personnalité. J’aime les contradictions, et j’ai eu peur que l’on me propose uniquement des personnages à la douceur féminine réconfortante.» En effet, enfermer Virginie Efira dans cette case-là serait particulièrement réducteur. Tout comme cela aurait été réducteur envers elle-même de rester plantée dans la case télé. «Dans la vie, il ne faut pas seulement aller dans les endroits que l’on connaît.»